1. L’entreprise : structure juridique et gouvernance
Les règles encadrant l’organisation interne des entreprises devraient promouvoir la maximisation de la valeur dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. L’atteinte de cet objectif passe par la mise en place d’un cadre juridique qui facilite les négociations entre les parties formant l’entreprise et la conclusion d’ententes générant des gains mutuels pour ces parties. Elle exige également que le droit fournisse des solutions aux conflits qui surviennent entre les parties à ces ententes qui constituent les entreprises.
L’expérience démontre qu’une vigilance constante est nécessaire pour s’assurer que l’encadrement juridique dispose des attributs favorisant l’atteinte de cet objectif. La récente vague de scandales financiers a mis en exergue les conséquences des lacunes des mécanismes de contrôle des conflits survenant au sein des sociétés ouvertes entre les dirigeants et les actionnaires, de même qu’entre les actionnaires. La Chaire examinera de manière critique les mécanismes juridiques et périjuridiques qui encadrent la prise de décision dans les sociétés ouvertes, de même que dans les fiducies de revenu dont l’utilisation connaît une croissance spectaculaire, en accordant une attention particulière aux récentes réformes découlant des scandales financiers.
Du côté des sociétés fermées, la Chaire s’intéressera plus spécifiquement aux entreprises familiales dont les caractéristiques organisationnelles distinctes nécessitent des solutions juridiques qui leur sont adaptées. À cet égard, nos travaux porteront sur le rôle des conventions entre actionnaires, de même que sur la résolution des conflits dans ce type d’entreprises. Nous nous intéresserons aussi au problème criant de relève dans les entreprises familiales qui s’annonce pour les prochaines années. Ainsi, nous effectuerons des recherches destinées à mieux comprendre comment le droit peut favoriser la pérennisation des entreprises familiales.
Plus généralement, les vives critiques de la société par actions canalisées par le film The Corporation contribuent à remettre en cause le modèle de gouvernance retenu par la législation canadienne et québécoise. La Chaire se penchera sur cette remise en cause qui est étayée par la reconnaissance de la théorie des parties prenantes par la Cour suprême dans l’arrêt Peoples. Nous réviserons donc la signification du concept de maximisation de la valeur et examinerons de manière critique les conséquences pour le modèle classique de gouvernance qu’entraînera la théorie des parties prenantes.
2. Marchés financiers
La réglementation des marchés financiers est en mutation. Au Canada, nous assistons à un processus d’harmonisation – voire d’uniformisation – de la réglementation des valeurs mobilières qui pourrait se solder par la mise en place d’un régulateur national. Ce processus s’accompagne d’une refonte des règles qui fournit l’occasion aux régulateurs d’adopter des réformes des régimes en place. La réglementation des placements privés étant un exemple récent éloquent. La Chaire s’intéressera à ce processus d’harmonisation et d’uniformisation en mettant en place une vigie des réformes en cours, qui visera à mieux comprendre leur nature et leur portée au regard des particularités des marchés financiers et du droit québécois.
La mutation se manifeste également par un accroissement de la porosité entre le droit des sociétés et le droit des valeurs mobilières. Cette porosité soulève des questions liées à la cohérence et à la coordination des approches réglementaires mises de l’avant par chacun de ces domaines du droit pour encadrer les mêmes opérations. Poussée à l’extrême, l’incohérence des solutions réglementaires risque de mener à des coûts de transaction inutiles. L’absence de coordination pour sa part peut laisser place à des lacunes menant à des abus. Dans cette perspective, la Chaire étudiera les points de jonction et de disjonction entre le droit des sociétés et le droit des valeurs mobilières dans l’encadrement d’opérations qui intéressent les marchés financiers.
Finalement, la mutation résulte des nouvelles connaissances qui se développent en économie financière et en finance comportementale, de même que des innovations dans les pratiques juridiques. La réglementation des valeurs mobilières s’est élaborée à partir d’un paradigme qui était, en totalité ou en partie, le produit des connaissances en finances émergeant des travaux classiques sur l’efficience des marchés. De plus, elle s’est construite dans la perspective des sociétés par actions ouvertes. Depuis cette époque, les avancées ont été spectaculaires tant dans au point de vue de la théorie financière que de la pratique. Nous avons également vu apparaître la fiducie de revenu comme nouveau véhicule juridique employé pour exploiter des entreprises ayant fait appel public à l’épargne. Il paraît opportun d’examiner si le droit des valeurs mobilières édicte toujours des règles pertinentes au regard de ces nouvelles connaissances. De même, il faut s’interroger sur l’adéquation de la réglementation face aux nouveaux instruments financiers et juridiques.
Dans le cadre de ses travaux, la Chaire adoptera la méthode de l’analyse juridique classique en y intégrant des éléments de droit comparé. L’analyse juridique classique sera employée en ayant à l’esprit le caractère bijuridique du droit des affaires canadien. Une portion importante des sources formelles du droit des affaires est issue du droit fédéral, lequel a été fortement inspiré des solutions de common law. L’arrimage du droit fédéral des affaires avec le droit civil soulève des difficultés qui peuvent créer des incertitudes ou des incohérences menaçant la sécurité des transactions. Ainsi, la Chaire intégrera dans ses travaux de recherche la dimension bijuridique du droit fédéral des affaires de manière à favoriser l’émergence de solutions respectueuses de la tradition de droit civil.
L’analyse juridique classique sera complétée par l’analyse économique fondée sur le postulat selon lequel les individus présumés rationnels effectuent des choix en tenant compte des coûts et des bénéfices que génèrent ces choix, et ce, dans le but de maximiser leur bien-être. Sous l’angle d’une approche prédictive, les travaux de la Chaire tenteront d’identifier les facteurs susceptibles d’influencer le comportement des acteurs qui recherchent l’option la plus avantageuse pour satisfaire leurs intérêts personnels. Selon une approche normative, les recherches auront également pour but de déterminer comment l’environnement juridique et institutionnel peut motiver les acteurs intéressés à agir de manière à promouvoir des gains mutuels pour chacun d’entre eux. La méthode de l’analyse économique du droit sera enrichie des travaux issus de la psychologie comportementale et de la théorie sur les normes sociales qui proposent des raffinements du modèle du choix rationnel qui est à la base de l’analyse économique du droit.
OBSERVATOIRE DU DROIT DES VALEURS MOBILIÈRES
Centre d’excellence dans la formation et la recherche concernant la mise en application de la réglementation
Organisme subventionnaire : Autorité des marchés financiers
Chercheur principal : Stéphane Rousseau
Le droit des marchés financiers a pour objectif d’assurer la protection des investisseurs et le bon fonctionnement des marchés. Le législateur et les régulateurs poursuivent cet objectif en édictant un encadrement qui s’applique aux émetteurs, aux intermédiaires et aux investisseurs. En matière d’encadrement, l’application des règles et des normes constitue un enjeu central. Il ne suffit pas que la loi et la réglementation viennent édicter les normes applicables. Des mécanismes doivent exister pour en favoriser le respect. L’application vise à dissuader les comportements répréhensibles et à favoriser la conformité.
Dans cette perspective, le projet a pour objectifs de :
Whistleblowing et gouvernance: enjeux et perspective de réforme
Organisme subventionnaire : Autorité des marchés financiers
Chercheure principale : Nadia Smaili
Cochercheur : Stéphane Rousseau
L’objectif général de ce projet est de faire avancer l’état des connaissances sur la dénonciation (whistleblowing) en tant que mécanisme de gouvernance et outil de prévention et de détection de fraudes et de crimes. En effet, les connaissances scientifiques accumulées jusqu’à présent ainsi que les programmes d’investigation de la fraude ne se penchent que sur les mécanismes de gouvernance « traditionnels » et ignorent complètement l’importance et le potentiel de la dénonciation.
Plus spécifiquement, dans le cadre de ce projet nous poursuivons, entre autres, les objectifs suivants :